Vaccination Covid-19 et cancer : quel est le lien selon Didier Raoult ?

  • octobre 12, 2025
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C’est nous les gentils ! Vaccin Covid et cancer. Ce tweet, fortement contesté, a été publié par le controversé microbiologiste Didier Raoult, à une semaine du lancement des campagnes de vaccination contre la grippe et le Covid-19, prévu pour ce mardi 14 octobre. Raoult a insinué, le 6 octobre sur la plateforme X, qu’il existerait un lien entre le vaccin contre le Covid-19 et une augmentation des cas de cancers. Cette affirmation a immédiatement suscité une vague d’indignation et de résistance parmi les professionnels de santé impliqués dans la lutte contre la désinformation médicale.

EN BREF

  • Didier Raoult évoque un lien entre le vaccin Covid-19 et une hausse des cancers, provoquant une forte réaction dans la communauté médicale.
  • Les études citées par Raoult montrent des résultats contradictoires et ne permettent pas d’établir un lien de causalité.
  • Des experts affirment que les vaccinations ont sauvé plus de 1,4 million de vies en Europe, soulignant l’importance de la vaccination.

Dans son tweet, le microbiologiste Raoult a déclaré : “Deux études, une italienne portant sur 300.000 cas et une sud-coréenne portant sur 8 millions de cas, exposent des études épidémiologiques rapportant une augmentation des cancers chez les vaccinés (+37%) devance-t-il. Il termine son message par un appel à obtenir des réponses scientifiques, ce qui a notamment interpellé les praticiens de la santé. Ce tweet a été diffusé plus de 600.000 fois, attirant même l’attention de la nouvelle émission de Cyril Hanouna, témoignant de l’ampleur médiatique de la déclaration.

La position de Didier Raoult, qui a déjà suscité controverses et débats, notamment lors de ses affirmations sur l’hydroxychloroquine en 2020, continue de diviser. Bien que son message ait trouvé un écho chez les communautés antivaccins et sceptiques, il a également ravivé les critiques de la part de ses confrères.

Jérôme Barrière, membre du conseil scientifique de la Société française du cancer

Face à ces allégations, l’oncologue Jérôme Barrière a réagi en précisant : “L’ensemble de faisceaux de preuves disponibles rend excessivement improbable l’existence de ce lien.” Ainsi, que révèlent précisément les études évoquées par Raoult ?

Les Études en Question

La première étude, réalisée par des chercheurs italiens des universités de Bologne et de Ferrare, a analysé les données hospitalières de près de 300.000 personnes âgées de plus de 10 ans sur une période de 30 mois (juin 2021 à décembre 2023). Parmi ces patients, une majorité avaient été vaccinés contre le Covid-19 (83,3%). Les chercheurs ont cherché à déterminer s’il existait un surrisque de décès et d’hospitalisation pour cancer selon le statut vaccinal.

Les résultats obtenus montrent une mortalité toutes causes confondues chez les non-vaccinés nettement supérieure (3,56%) à celle des personnes ayant reçu au moins une dose (1,93%). Manuel Rodrigues, vice-président de la Société française du cancer, a résumé cette observation en affirmant : “On meurt moins que les autres quand on est vacciné.” Il souligne que Raoult omet de mentionner ce résultat crucial dans son analyse.

En comparant les risques d’hospitalisation, les vaccinés présentent effectivement un risque plus élevé d’être hospitalisés pour cancer en moyenne (+23% pour les vaccinés ayant reçu une ou deux doses). Cependant, ce risque devient non significatif après un délai de 12 mois pour ceux ayant reçu une dose.

Les chercheurs eux-mêmes notent que les résultats restent contradictoires et non concluants. “Nous obtenons des données contradictoires qui ne nous permettent pas de tirer des conclusions claires,” explique Lamberto Manzoli, coauteur de l’étude. Il ajoute que de nombreux militants antivax tentent d’interpréter leurs données pour établir un lien inexistante entre le vaccin et le cancer.

Des Limitations Méthodologiques

Les limites méthodologiques de ces études sont à prendre en compte. Contrairement à un essai clinique, les chercheurs ont mené une étude observationnelle, utilisant uniquement des données existantes sans pouvoir contrôler les facteurs intervenants. Par conséquent, il s’agit d’une simple corrélation, pas d’une démonstration de causalité. Jérôme Barrière souligne : “Dans son message, Didier Raoult ne fait pas de distinction entre corrélation et causalité.”

Un autre point essentiel à considérer est l’âge des participants. Les vaccinés étant en moyenne plus âgés, ils se trouvent davantage à risque de développer des cancers. Cette différence d’âge pourrait expliquer en partie les résultats obtenus. Manuel Rodrigues évoque également un biais de « vacciné en bonne santé », soulignant que les personnes en bonne santé se vaccinent plus souvent et sont donc plus sujettes à des diagnostics plus fréquents.

La deuxième étude, menée en Corée du Sud sur 8,5 millions de personnes, présente des limitations similaires. Elle montre des associations, mais sans établir de causalité claire. “Il ne s’agit que d’une association”, soulignent les auteurs, appelant à des études supplémentaires pour tirer des conclusions définitives.

Les résultats préliminaires des deux études ont déjà été critiqués par des pairs scientifiques, soulignant que le suivi des groupes n’a pas duré suffisamment longtemps pour établir des tendances robustes. Ces critiques mettent en lumière la complexité de la relation entre vaccination et santé, ainsi que l’importance de ne pas céder à des interprétations hâtives.

Il est indéniable que la désinformation autour des vaccins peut avoir des conséquences réelles. Des études, comme celle menée par l’OMS, démontrent que les vaccinations contre le Covid-19 ont sauvé plus de 1,4 million de vies en Europe, soulignant ainsi l’importance de la vaccination en tant qu’outil de santé publique. La science doit être fondée sur des données précises et nuancées, loin des raccourcis ou des spéculations hasardeuses.