Le deuil en France : dix chiffres révélateurs sur le vécu des Français

  • octobre 13, 2025
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Le Deuil : Un Phénomène Social Révélateur

Chaque année, des milliers de personnes en France traversent une période difficile marquée par la perte d’un être cher. Selon les experts, 11 % des endeuillés sont susceptibles de souffrir de ce qu’on appelle le trouble du deuil prolongé. Ce trouble se caractérise par une nostalgie persistante qui s’étend au-delà d’un an après le décès. Cette reconnaissance récente, selon le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) publié par l’Association américaine de psychiatrie, permet d’évaluer la prévalence de ce phénomène. Pour la première fois en France, un questionnaire élaboré par la chercheuse Holly G. Prigerson a été mis en place pour mieux cerner cette réalité.

EN BREF

  • 11 % des personnes en deuil espagnoles risquent de souffrir d’un deuil prolongé.
  • 22 % des endeuillés après la perte d’un enfant ou d’un conjoint rencontrent des troubles de deuil plus graves.
  • Création d’un Observatoire national du deuil demandée pour mieux mesurer ses impacts.

Les chiffres deviennent encore plus préoccupants lorsque l’on considère des contextes spécifiques. Par exemple, parmi les personnes endeuillées à la suite du décès d’un enfant ou d’un conjoint, ce chiffre grimpe à 22 %. Caroline Witschger, coordinatrice des accompagnements famille et psychologue chez Empreintes, souligne que la perte d’un partenaire affecte profondément la vie quotidienne dans ses multiples dimensions : « La personne endeuillée doit gérer son propre vécu de deuil, tout en accompagnant son enfant ou adolescent dans le processus de deuil. »

Cette double exigence rend les situations encore plus délicates à gérer, en particulier pour un parent isolé. Il doit non seulement se reconstruire émotionnellement mais également répondre aux besoins de son enfant, dont la perception du deuil diffère souvent de celle des adultes. L’accompagnement psychologique, à travers des entretiens individuels ou familiaux, est crucial pour soutenir les parents dans cette épreuve.

Le deuil ne pose pas seulement des enjeux émotionnels mais présente également des risques professionnels. En effet, une enquête révèle que 12 % des actifs endeuillés ont dû quitter leur travail en raison d’un décès. Ce chiffre atteint 28 % chez ceux ayant perdu un enfant, et près de 20 % parmi les agriculteurs ou les chefs d’entreprise. Ces réalités sont encore largement invisibilisées, alors qu’elles soulèvent des interrogations cruciales sur la manière dont la société gère le deuil.

Louis Dupuy-Ferber, chargé de plaidoyer pour l’association Empreintes, rappelle que :

« La durabilité du congé accordé en cas de décès reste un tabou. Beaucoup de personnes se retrouvent en arrêt maladie, alors que le deuil n’est pas une maladie. »

Cette confusion contribue à masquer la souffrance réelle des endeuillés.

Un autre aspect préoccupant est la consommation accrue de substances chez les personnes en deuil. Les statistiques révèlent que 47 % des endeuillés rapportent une augmentation de leur consommation de médicaments, tandis que 44 % évoquent une hausse de celle de l’alcool ou du tabac. Caroline Witschger explique que cela peut représenter des tentatives de soulagement face à une douleur émotionnelle extrêmement intense. Cependant, elle insiste sur le fait que le soutien psychologique doit aller au-delà de la simple prescription de médicaments.

Plus largement, le deuil est un phénomène social total, selon les mots du sociologue Marcel Mauss. Il touche toutes les dimensions de la vie collective : psychiques, familiales, juridiques, économiques et politiques. Ainsi, l’association Empreintes appelle à la création d’un Observatoire national du deuil. Cet organisme aurait pour mission de mesurer les effets du deuil sur la santé publique, la vie sociale et l’économie, et de concevoir des politiques d’accompagnement adaptées. Le besoin de reconnaissance et de soutien des endeuillés n’a jamais été aussi criant dans notre société.