Affaire du “violeur au tournevis” : la généalogie génétique bientôt légalisée en France ?

  • décembre 13, 2025
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Un suspect a été mis en examen jeudi pour le viol et la tentative de meurtre d’une joggeuse à Poitiers en 2015. Il a pu être identifié, dix ans après les faits, grâce à la généalogie génétique, une technique très utilisée aux États-Unis mais qui n’est pas encadrée par la loi française.

EN BREF

  • Mise en examen d’un suspect pour viol et tentative de meurtre à Poitiers, après dix ans d’enquête.
  • Identification par généalogie génétique, méthode peu encadrée en France mais efficace.
  • Un projet de loi pourrait autoriser l’utilisation de cette méthode pour élucider des affaires criminelles graves.

L’affaire non résolue du “violeur au tournevis” à Poitiers (Vienne) connaît un tournant majeur, dix ans après les faits. Un homme de 28 ans a été mis en examen jeudi 11 décembre pour le viol et la tentative de meurtre d’une femme qui faisait son footing en 2015. À l’époque des faits, il était mineur. Lors de sa garde à vue, il a reconnu être l’auteur des agressions.

En 2015, l’ADN masculin retrouvé sur les lieux n’avait pas permis d’identifier le suspect via le fichier national. Les enquêteurs ont finalement eu recours, par le biais d’une demande au FBI, à la généalogie génétique, une pratique qui, bien qu’efficace, n’est pas encore légalisée en France. Cette méthode, en pleine expansion aux États-Unis, pourrait a priori permettre de résoudre des enquêtes criminelles oubliées ou non élucidées.

Chaque année, des milliers de nouvelles empreintes génétiques sont ajoutées au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), lequel centralise les ADN des personnes condamnées. Toutefois, il arrive souvent que des traces trouvées sur une scène de crime ne correspondent à aucun profil enregistré. “C’est le cas, par exemple, dans l’affaire non élucidée du violeur d’Antibes, avec du sperme retrouvé à chaque fois, mais un ADN qui reste introuvable dans le fichier”, explique Didier Seban, avocat spécialisé dans les affaires de crimes non résolus à Nanterre.

Zoom sur la généalogie génétique

La généalogie génétique permet d’identifier une personne en comparant son ADN avec celui de millions d’individus ayant réalisé des tests auprès de sociétés privées. “Cette méthode peut s’avérer très utile pour résoudre certaines affaires criminelles”, précise l’avocat. Même si le suspect n’est pas présent dans ces bases, les liens familiaux peuvent conduire à sa découverte : “On partage 50% de son ADN avec ses parents. En identifiant des cousins, on peut remonter jusqu’au criminel”.

  • Des entreprises comme MyHeritage, Ancestry et 23andMe proposent des tests d’ADN pouvant aider à découvrir ses origines.
  • Pour moins de 100 euros, ces entreprises envoient un kit ADN pour recueillir l’échantillon de salive des clients.
  • Des millions de personnes dans le monde se tournent vers ces tests pour retracer leur histoire familiale.

En France, l’ADN est considéré comme une donnée sensible, ce qui soulève de nombreux interrogations éthiques. Bien que les tests de généalogie soient strictement interdits, beaucoup de Français choisissent d’utiliser des tests ADN récréatifs pour retrouver leurs ancêtres. “Envoyer son ADN à l’étranger peut entraîner une amende de 3750 euros, mais cela n’a pas dissuadé plus d’un million de personnes de le faire”, précise Didier Seban.

Les perspectives législatives

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a annoncé en octobre son intention de présenter un projet de loi pour permettre aux magistrats du pôle cold cases de Nanterre d’organiser des recherches ADN. Cette mesure viserait à résoudre des crimes graves, notamment des meurtres, des viols ou des enlèvements. “Ce nouvel outil scientifique pourrait faciliter l’identification de suspects à partir de correspondances ADN dans certaines bases de données étrangères”, a-t-il précisé.

Actuellement, seule la Suède autorise l’utilisation de la généalogie génétique pour résoudre des cold cases. En France, la loi actuelle empêche cette méthode, et les juges doivent passer par une commission rogatoire internationale pour solliciter le FBI. Cette affaire marque seulement la deuxième utilisation de cette méthode en France, après qu’elle ait permis en 2022 d’identifier un homme suspecté d’avoir séquestré et violé plusieurs adolescentes, dans l’affaire du “prédateur des bois”.

Autoriser la généalogie génétique pourrait sans doute permettre la résolution de dizaines d’autres cold cases, apportant ainsi un espoir aux familles de victimes qui attendent depuis des années des réponses à leurs douleurs.