
Diplômée d’une licence en psychologie de l’université de Rouen en juin 2024, je n’ai pas obtenu le master que je visais, en raison de notes insuffisantes. C’est au cours de discussions avec des amis que j’ai découvert Unis-Cité, une association pionnière du service civique. Ce programme m’a fortement attirée en raison de son engagement atypique : mettre à disposition mes compétences pour soutenir des jeunes, sans que ce soit un travail rémunéré ni un bénévolat. Ma candidature a été acceptée pour une mission de huit mois centrée sur la santé mentale, un sujet qui résonne non seulement avec mes études, mais également avec mon vécue personnel.
EN BREF
- Unis-Cité engage des jeunes brillants dans des missions de pair à pair en santé mentale.
- Ce programme touche environ 50 000 jeunes et est présent dans 10 régions de France.
- Les interventions favorisent un espace de dialogue et de confiance pour aborder des problématiques sensibles.
Ayant souffert d’anxiété depuis l’enfance, j’ai souvent éprouvé du stress et de l’épuisement dans mes diverses initiatives. Lors des examens, la pression que je m’imposais était telle que, même en maîtrisant parfaitement un cours, je perdais mes moyens. Ce fut un handicap quotidien, et il m’a fallu attendre mon arrivée à l’université pour trouver les mots justes pour décrire ma souffrance. J’aurais souhaité recevoir du soutien dès le collège, mais à cette époque, l’intérêt pour la santé mentale n’était pas une priorité.
Découvrir ce service civique a été un tournant pour moi. J’espère partager mon vécu et venir en aide à d’autres jeunes qui pourraient vivre des expériences similaires. J’ai commencé par suivre trois semaines de formation intensive avec des professionnels de la santé et des partenaires de l’association Unis-Cité. Cette période m’a permis de prendre confiance en moi et a enclenché un cercle vertueux : je me suis sentie capable de soutenir et d’apporter de la bienveillance aux collégiens et lycéens.
Une Réponse à un Besoin Urgent
La particularité de ce service civique en santé mentale est d’initier un dialogue de pair à pair, un aspect qui manque cruellement aux adolescents et jeunes adultes. J’ai eu l’opportunité d’intervenir dans divers établissements, allant de collèges à des lycées et ESAT (établissements ou services d’aide par le travail), au rythme d’une à deux fois par semaine, engageant des groupes de dix jeunes.
En France, cette initiative est présente dans dix régions, mobilisant environ 500 services civiques pour toucher environ 50 000 jeunes. Lors de chaque intervention, nous créons un « safe place » permettant un débat ouvert, toujours encadré par des valeurs de respect, écoute active, et non-jugement.
J’ai constaté un réel manque de connaissances sur les questions de santé mentale, ainsi qu’une accumulation d’aprioris. Dans un collège près de Rouen, par exemple, lorsque nous avons demandé aux élèves ce que signifiait la santé mentale pour eux, leurs réponses concernaient principalement la schizophrénie, la dépression, la bipolarité ou même le suicide. Ils nomment les troubles mais ne les définissent pas. Beaucoup s’appuient sur les représentations véhiculées par les séries et les réseaux sociaux.
Vers une Éducation Inclusive
Pour les jeunes de 14 à 15 ans, les interrogations touchent à des thèmes comme les violences, le harcèlement et l’orientation sexuelle. À travers mes interventions dans certaines zones défavorisées, j’ai observé un profond manque de savoir. Certains jeunes ignorent des concepts fondamentaux, comme ceux du viol, tandis que d’autres s’engagent dans des plaisanteries déplacées sur l’homosexualité.
Cependant, grâce à notre présence, le dialogue peut s’instaurer. De nombreux jeunes se sentent plus à l’aise de parler de leurs préoccupations avec nous qu’avec leurs parents ou enseignants. Je pense à cette jeune fille, victime de harcèlement scolaire, qui m’a confié en fin de séance son histoire. Je lui ai recommandé de prendre fierté de sa voix et de ne pas s’isoler.
Cette approche en petits groupes favorise une libre expression. Les enseignants constatent d’ailleurs, dans les jours suivants, des changements dans les attitudes des élèves, leur permettant d’évoquer ces sujets en classe grâce au travail que nous avons réalisé ensemble lors des interventions. Les discours politiques autour de la santé mentale évoquent souvent des chiffres alarmants chez les jeunes ; il est donc crucial de développer ce type de missions.
Il reste cependant des établissements qui doutent de l’efficacité de ces programmes. À ces écoles, je répète : « faites confiance à la jeunesse ! » Cette expérience m’a transfigurée ; elle a véritablement changé ma vie. Aujourd’hui, je suis devenue « ambassadrice » de l’association, avec l’objectif de convaincre d’autres étudiants à s’engager dans le service civique. Je prévois de reprendre un master à la rentrée 2026, fort de ces huit mois d’expérience, déterminée plus que jamais à devenir psychologue.