Marc Lazar : « Le populisme, menace ou opportunité ? Une analyse éclairante »

  • décembre 12, 2025
  • 1329 Views

Le populisme, un phénomène en constante évolution, pose de réelles questions sur l’avenir politique de la France. Ce terme, souvent jugé trop vague, est une réalité complexe que Marc Lazar, historien et auteur de l’ouvrage « Pour l’amour du peuple : Histoire du populisme en France, XIXe – XXIe siècle », s’efforce de définir et d’analyser. Selon lui, la France navigue dans une *ère de populisme* inédite, où des sensations collectives profondes s’opposent à des élites jugées déconnectées des réalités du peuple.

EN BREF

  • Le populisme se caractérise par une valorisation du peuple face à des élites perçues comme corrompues.
  • Une tension existe au sein du populisme entre ceux qui prônent l’union du peuple et ceux qui recherchent des alliances avec certaines élites.
  • Marc Lazar interroge le populisme comme un reflet des tensions démocratiques en France, entre représentation et expression de la souveraineté populaire.

Pour Lazar, le populisme peut être défini par trois éléments principaux. D’abord, une dimension idéologique qui oppose un peuple exalté à une minorité d’élites supposées corrompues. Ensuite, il s’agit d’une stratégie politique se manifestant par la simplification des discours et la mise en avant de l’ennemi à éliminer, non pas physiquement, mais par une violence rhétorique qui s’est intensifiée, notamment en France.

Enfin, le populisme peut être vu comme une révolte culturelle du peuple contre les élites. Ces concepts, bien que limpides en théorie, prennent une ampleur particulière dans le paysage politique français actuel. Mais il est essentiel de nuancer cette définition. Lazar évoque des leaders populistes, comme ceux du Rassemblement National, qui tout en exaltant le peuple, entretiennent des relations avec certaines élites, cherchant ainsi une légitimité au sein de cercles économiques.

Ce phénomène trouve ses racines dans l’histoire politique de la France, particulièrement sous la Troisième République à la fin du XIXe siècle. Marc Lazar souligne que la Ve République, fondée par Charles de Gaulle, avait été conçue comme une réponse à la défiance persistante vis-à-vis des représentants politiques. La Constitution française encourage une communication directe avec le peuple, mais cette construction a également servi d’accélérateur au populisme.

« Tout a progressivement basculé à partir des années 1970-1980, jusqu’à la situation actuelle où la Ve République sert d’accélérateur au populisme. »

Marc Lazar

Cette dynamique témoigne d’une méfiance croissante envers les institutions, exacerbée par des crises sociopolitiques. Le populisme émerge souvent dans des contextes où la confiance envers les élus s’amenuise, créant un terrain fertile pour des discours simplificateurs et souvent polémiques.

Lazar met également en lumière les différences au sein même des courants populistes, comme celui de la gauche incarné par Jean-Luc Mélenchon ou celui de la droite représentée par le Rassemblement National. Les oscillations entre la définition « ni droite, ni gauche » et une ligne plus clairement orientée à droite au sein du Rassemblement National illustrent la complexité de la question.

Comment, dès lors, discerner un populisme apolitique, ou du moins non partisan ? Lazar prévient que la simplification des idées politiques ne peut faire disparaître la tension intrinsèque entre différentes sensibilités. Pour lui, des figures comme Emmanuel Macron, en prétendant aussi bien être de droite que de gauche, se rapprochent d’une forme de populisme. Pourtant, cette tendance à se revendiquer comme candidat du peuple tout en restant ancré dans un parcours élitiste soulève des interrogations sur la légitimité de leur message.

Dans cette exploration, Marc Lazar évoque la possibilité d’un populisme vertueux. Après tout, les racines latines du mot *populisme* se réfèrent au peuple. Ce mouvement peut à la fois signaler un problème démocratique en France et offrir une opportunité de réévaluation des liens entre les gouvernants et gouvernés. Toutefois, cet équilibre est précaire et souvent menacé par les dérives démagogiques.

Le populisme, à bien des égards, apparaît comme un double tranchant. D’un côté, il rappelle aux acteurs politiques qu’ils doivent rester à l’écoute de ceux qu’ils représentent ; de l’autre, il peut engendrer des discours simplistes et excluants, s’attirant ainsi la méfiance du citoyen éclairé. Pour Lazar, il est fondamental de continuer à analyser cette dynamique, car elle conditionne l’avenir des démocraties modernes, ici en France comme ailleurs en Europe.

Pour l’amour du peuple : Histoire du populisme en France, XIXe – XXIe siècle, Marc Lazar, Gallimard, 22,50 euros.