Rouvrir les maisons closes : décryptage de la proposition audacieuse du RN en cinq minutes.

  • décembre 12, 2025
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Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement national (RN) de la Somme, propose de rétablir les maisons closes en France. Ce projet, qui pourrait s’inscrire dans un cadre de protection des prostituées, fait grand bruit. Le parlementaire a fait part de son initiative ce lundi dans une interview accordée au Monde. Il évoque ses expériences passées avec les femmes de la rue et les conditions précaires dans lesquelles elles vivent.

EN BREF

  • Jean-Philippe Tanguy propose de rétablir les maisons closes.
  • La loi Marthe Richard interdit les maisons closes depuis 1946.
  • Les autorités françaises privilégient la lutte contre le proxénétisme.

À l’heure actuelle, la France compte entre 30 000 et 40 000 personnes se trouvant en situation de prostitution, selon les données de la Mission interministérielle pour la protection des femmes. Cela soulève des questions cruciales sur l’égalité des droits et la protection des individus vulnérables.

Un cadre juridique complexe

Les maisons closes ont été interdites en France depuis la promulgation de la loi Marthe Richard en 1946. Cette loi, qui tire son nom d’une ancienne prostituée devenue aviatrice et espionne pendant la Première Guerre mondiale, a mis fin à un système institutionnalisé de prostitution qui existait depuis 1804. Cette abolition a orienté la France vers une politique visant à protéger les victimes plutôt qu’à légaliser la prostitution.

Depuis 2016, la France a décidé de criminaliser l’achat d’actes sexuels, plaçant les clients dans une position illégale et leur faisant encourir des amendes pouvant atteindre 3 750 euros en cas de récidive. Cependant, les statistiques révèlent une réalité préoccupante : en 2024, seules 409 condamnations ont été prononcées pour violation de cette loi, laissant supposer que la pérennité de la prostitution n’est pas véritablement impactée.

Les intentions du Rassemblement national

Jean-Philippe Tanguy avance que la sanction des clients a eu un impact négatif, repliant les travailleuses du sexe dans des situations encore plus dangereuses. Il propose de rétablir un cadre où ces femmes pourraient travailler de manière sécurisée, en les considérant comme « responsables » au sein de structures qu’il imagine plus coopératives que réglementées. Tanguy aborde aussi la nécessité de renommer ces lieux, reconnaissant les connotations négatives qu’évoque le terme « maison close ».

Matthieu Valet, eurodéputé du RN et porte-parole, soutient que l’aménagement législatif doit avant tout s’orienter vers le bien-être des travailleuses, plutôt que la sanction des clients. Il critique l’inefficacité des lois en place, estimant qu’elles ne répondent pas aux véritables enjeux rencontrés par celles qu’elles prétendent protéger.

Un sujet controversé

La proposition du RN a suscité de vives réactions au sein du paysage associatif. Delphine Jarraud, déléguée générale de l’Amicale du Nid, s’oppose fermement à cette initiative. Pour elle, rouvrir des maisons closes reviendrait à légitimer l’exploitation des femmes. Elle fait valoir que cela irait à l’encontre du respect de la dignité humaine, tout en contestant la légitimité de l’approche réglementariste proposée par le RN.

Anaïs de Lenclos, porte-parole de la fédération Parapluie rouge, déplore quant à elle que cette proposition ne prenne en compte que ceux qui souhaitent travailler sous un cadre coopératif. Elle insiste sur la nécessité d’une refonte complète de la législation afin d’assurer l’égalité des droits pour toutes les travailleuses du sexe.

Me David Curiel, avocat pénaliste, souligne les enjeux complexes de cette question. D’une part, il évoque l’importance d’offrir des droits sociaux et un accès à des soins pour les prostituées. D’autre part, il met en garde contre toute forme qui pourrait encourager la prostitution dans le cadre d’une logique abolitionniste. Il souligne également que cela n’est pas garanti d’éradiquer les réseaux clandestins.

Cette situation met en lumière un débat crucial sur la politique à adopter concernant la prostitution en France. Avec des opinions divergentes et des implications légales sous-jacentes, le rétablissement de maisons closes pourrait engendrer davantage de tensions au sein d’une société française en quête d’équité et de justice.