Peut-on réellement apprendre une langue étrangère avant même de naître ?

  • octobre 15, 2025
  • 1332 Views

Le cerveau du fœtus : un boulevard vers les langues

Vous rêvez que votre enfant parle anglais ? Qu’il comprenne parfaitement l’espagnol ? Qu’il manie l’allemand avec aisance ? Mais, cela est-il possible avant même qu’il naisse ? Selon les conclusions d’une récente étude, le cerveau serait capable de s’adapter à une langue étrangère avant même que le bébé ne voit le jour.

EN BREF

  • Le cerveau d’un fœtus peut déjà réagir à des langues entendues in utero.
  • Une exposition précoce peut modifier les réseaux langagiers du cerveau des nouveau-nés.
  • Cette étude ouvre des perspectives sur l’apprentissage des langues dès la grossesse.

Des chercheurs en neuropsychologie affirment que quelques semaines d’exposition à une nouvelle langue peuvent suffire à reconnecter les réseaux langagiers du cerveau du nouveau-né. Dès les premières heures de vie, la langue étrangère entendue dans l’utérus est traitée par les mêmes voies neuronales que la langue maternelle. En revanche, une langue jamais entendue sera traitée différemment, comme l’expliquent les résultats publiés dans la revue Communications Biology.

Une expérience intrigante

Pour parvenir à cette conclusion, l’équipe de recherche a recruté soixante femmes francophones ayant une grossesse sans complications. Chaque participante a reçu un lecteur MP3 contenant l’enregistrement d’un conte en deux langues : français et allemand ou hébreu. À partir de la 35e semaine de grossesse, les participantes ont placé les écouteurs sur leur ventre dans un environnement calme, sans musique, et ont fait écouter les enregistrements à leurs bébés. Les fœtus ont ainsi entendu ces histoires en moyenne 25 fois.

Une fois les bébés venus au monde, les chercheurs ont rejoué la même histoire aux nouveau-nés entre 10 et 78 heures après la naissance. Cette fois, le conte a été joué dans trois langues : le français natal, la langue étrangère à laquelle ils avaient été exposés in utero et une langue complètement inconnue.

Une plasticité cérébrale fascinante

L’équipe a analysé les réponses cérébrales des nourrissons grâce à une technique non invasive. Selon le Pr Anne Gallagher, « nous savons que lorsqu’une région du cerveau est activée, l’oxygénation du sang augmente, car le cerveau a besoin d’énergie. Cela s’accompagne d’une diminution de l’hémoglobine désaturée. Nous pouvons mesurer ces réponses dans les régions du cerveau qui traitent le langage ». Les chercheurs ont voulu voir si la modification de l’environnement linguistique d’un bébé dans l’utérus pouvait effectivement façonner les réseaux linguistiques du cerveau.

En comparaison, ils ont observé l’activation cérébrale des nouveau-nés lorsqu’ils entendaient leur langue maternelle, une langue étrangère à laquelle ils avaient été exposés in utero et une langue qu’ils n’avaient jamais entendue. Les résultats sont sans appel. Lorsque les bébés entendaient du français, leur cortex temporal gauche était activé, ainsi que d’autres régions liées au langage. Pour la langue étrangère entendue pendant la grossesse, un mécanisme similaire était également observé. En revanche, une activité cérébrale diminuée a été notée lorsque les bébés étaient exposés à une langue inconnue.

Ces résultats illustrent l’exceptionnelle plasticité du cerveau humain, même avant la naissance. Cependant, l’équipe ne sait pas encore si cette sensibilisation dure sur le long terme ou si l’effet disparaît au fil des mois.

En somme, cette étude souligne l’importance de l’exposition précoce aux langues pour façonner le développement cognitif des enfants, et initie de nouvelles pistes de réflexion sur l’apprentissage linguistique dès la grossesse. Alors, si vous attendez un enfant, pourquoi ne pas lui faire écouter différentes langues ? Ce pourrait être une décision bénéfique pour son avenir linguistique.